Cannes, en bas des Marches, en Haut des Rêves
- Caese Brasil
- 31 de mai.
- 4 min de leitura
Lors de la réunion de clôture de l’Art Day à l’UNESCO, Guila m’a demandée :
— On va à Cannes ?
J’ai répondu comme je réponds toujours aux idées trop grandes pour le moment :
— Quand ?
— Dans un mois, pour le festival, a-t-elle dit.
Comme d’habitude, j’ai promis d’y réfléchir.
De voir si je pourrais ajuster l’agenda — le mien et celui de l’équipe.
Elle a souri. Elle savait que, comme toujours, je trouverais le oui. Parce que c’est ce que je fais : je trouve le oui au milieu des nons, je découvre des chemins au milieu des tempêtes et je rends possible ce qui semble impossible — là où les autres ne voient que des limites.
Je l’avoue, je suis sortie de là en cherchant déjà des alternatives, en ouvrant les calendriers, en simulant des hébergements, en ajustant des engagements. Et, surtout, en cherchant à répondre à la question qui me guide toujours : Que puis-je faire là-bas qui soit utile au projet qui me guide : transformer le monde ?
Principalement parce que, lorsqu’on prend cette décision et qu’on regarde le monde avec tous ses défis et ses peuples, il n’y a pas de temps pour des pauses dans le vide. Parce que, pendant que vous faites une pause, une femme meurt victime de violence, un enfant entre en guerre, un ancien est oublié.
Oui, pour paraphraser Drummond, j’ai entre mes mains toute l’humanité du monde.
Cannes a eu lieu, et nous avons écrit une histoire incroyable pour cette édition du festival 2025. Mais cette histoire est celle d’un tapis — les autres, je les raconterai plus tard.
C’était le deuxième jour du festival, et j’étais déjà en train de m’occuper du programme 2025, un programme qui voulait être durable, créer des espaces pour les jeunesses, promouvoir l’inclusion, faire débuter le festival par un film réalisé par une femme, et s’inscrire dans une dynamique d’un festival avec des projets pour un monde meilleur.
Tout a commencé lors de ma première séance officielle, par le film Partir un Jour, dans la Salle Lumière.J’y suis arrivée en marchant vite, concentrée uniquement sur le film. J’ai traversé le tapis rouge presque sans y prêter attention.Quand je l’ai raconté plus tard, on a ri. On m’a dit :— Mais les gens viennent pour le tapis !
Et c’est là que j’ai compris à quel point le tapis était devenu un symbole en soi. Ce n’était pas seulement une entrée.
C’était une performance.
Un rituel.
Un miroir dans lequel beaucoup cherchent à se voir transformés — de Cendrillon hier à princesse aujourd’hui.
Être sur le tapis, le traverser — et surtout, monter les marches —, c’est la couronne du Festival de Cannes.
Alors, j’ai pris mon deuxième billet pour la Salle Lumière et je suis allée vivre l’expérience.
Mon tapis — celui qui est sur la photo — c’était lors de la dernière séance de la soirée. J’ai voulu le vivre intensément, car celui qui écrit doit ressentir.

Pour y être, Karim et sa sœur m’ont accompagnée. Un tapis ne se fait jamais seule.Le photographe Jean-Christophe était aussi présent, m’enseignant comment monter, où poser, quel type de geste faire. Et le styliste Rosh était là pour illustrer la symbolique du moment.
Après toutes les instructions, en arrivant à l’appartement — seule, avec les vêtements, les rituels, mais aussi les livres, les brouillons et les notes d’articles à finir, les documents à signer — j’ai décidé que, après avoir fait tant de tapis incroyables pour tant de personnes (vous verrez plus tard), je ferais un tapis au nom des gens ordinaires, qui montent les marches de la vie, des salles de cinéma, et qui sont, surtout, extraordinaires par leur manière de faire l’ordinaire.
C’est ainsi que j’ai mis l’un des t-shirts que j’ai en plusieurs couleurs, de chez Kiabi. La jupe noire de Shein — qui habille des millions de personnes dans le monde, des gens qui n’ont pas le temps de faire confectionner des vêtements et les achètent en un clic, pour les essayer en rentrant du travail.
Et pour composer mon look : un châle brodé à la main, acheté il y a 20 ans avec l’un de mes premiers salaires. Celui d’une fille de la province qui rêvait de quitter son monde pour découvrir le Monde.
J’étais prête.
Il ne manquait que les chaussures — une paire d’Arezzo, rangée dans l’armoire, dans l’attente d’un mariage, d’une remise de diplôme…Comme tout le monde : la chaussure de fête.
Comme tout rituel du tapis, j’ai attendu le photographe au Majestic.J’ai reçu les instructions de Jean-Christophe une fois encore et je suis partie pour la nuit du tapis magique.
À côté — mais différente —, j’étais parmi des femmes maquillées et vêtues de robes éblouissantes. Et, comme elles, j’ai attendu que Bono termine sa première, puis j’ai monté, avec toute la résilience nécessaire, des marches pour toutes les filles et toutes les femmes du monde.
Je ne me souciais pas des photos, mais de ressentir chaque seconde, et de photographier avec mes yeux, de voir, pour avoir la chance de raconter.
Quand certains me regardaient, peut-être en cherchant une star, je souriais avec douceur, dans l’espoir qu’ils voient une femme ordinaire — qui porte des vêtements simples, mais qui se lève chaque jour pour accomplir l’extraordinaire.
Si je pouvais nommer ce moment — où Karim m’a aidée à entrer, où sa sœur m’attendait en souriant pour redescendre, et où nous nous sommes retrouvés dehors pour manger une focaccia — je dirais que Cannes, c’est cela.
Le commun devient extraordinaire sur les écrans et les tapis de ce festival, et la vie ne s’arrête pas sur le tapis, mais se réinvente dans les salles de cinéma où nous osons rêver à ce qui n’existe pas encore.
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